Ce petit topo sur la vie de Saint François
d'Assise est inspiré de l'excellent ouvrage du même
nom publié par Jacques le Goff en 1999. Cependant, l'intégralité
du livre n'est pas résumée ici. |
Saint François se révèle
dans un monde en mutation. Les changements concernent la société
civile (explosion démographique, croissance économique,
urbanisation) et religieuse (nouveaux ordres du siècle
précédent ; évolution de la doctrine du
péché vers l'intentionnalité ; naissance
d'écoles urbaines). L'église conserve pourtant
un certain nombre de dysfonctionnements : les croisades sont
des échecs, les ordres du XIIe siècle s'enrichissent
(notamment les cisterciens). Le fossé se creuse entre
le haut clergé et la masse. Dans ce contexte, Saint François
apparaît comme un nouveau Christ, sensible aux plus pauvres,
ouvert à la vie. Il tente de montrer la validité
de l'apostolat laïque et aussi féminin. |
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Jean-Baptiste Bernardone naît à Assise en
1182. Il est appelé François, prénom
rare à l'époque, à cause de son amour
pour le français. Ses parents sont des commerçants
aisés. Imprégné de culture chevaleresque
et poétique, il participe aux luttes qui opposent Assise
à Pérouse. Il commence à rêver
de gloire militaire quand une vision l'arrête. Sa conversion
est marquée par plusieurs étapes. D'abord la
maladie. Puis le dépouillement : il donne son manteau
(et pas seulement la moitié, comme saint Martin) à
un pauvre sur le chemin d'Apulie. Il vend les biens paternels
pour réparer l'église de San Damiano. Son père
l'enferme. Délivré par sa mère, il se
réfugie auprès de l'évêque et se
défait de tous ses biens pour rompre avec sa vie antérieure.
Enfin, il reçoit un message céleste : "va
et répare ma maison". Vers 1208-1209, il décide
de partir en missionnaire, vêtu d'une simple tunique
nouée par un cordon.
Fresques de Giotto, basilique d'Assise
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Il prêche d'abord à Assise puis
voyage. Il envoie ensuite ses frères prêcher deux
par deux. Devant la méfiance de l'évêque
d'Assise envers son action, il va alors à Rome pour demander
l'approbation du pape. Le texte qu'il soumet à Innocent
III, qui n'est pas forcément une règle fondant
un ordre, a disparu. Les deux hommes ont beaucoup de divergences.
Innocent III est issu de la tradition monastique, il souhaite
une supériorité temporelle et spirituelle de l'Eglise
et pense que le principal ennemi de l'institution est extérieur
(princes). François vit parmi les hommes, il refuse l'attitude
de supériorité de l'Eglise et pense que l'ennemi
est intérieur. La première entrevue est un échec
car l'application stricte des Evangiles apparaît scandaleuse
pour la Curie. La seconde entrevue se passe mieux. Innocent
III veut un signe de Dieu. Il fait alors un songe : il voit
son église qui commence à s'effondrer et saint
François la soutient. |
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Lors d'une troisième entrevue François obtient
l'autorisation de prêcher mais dans le respect de l'Eglise.
Un temps mécontent de l'accueil romain, François
aurait préféré prêcher aux oiseaux.
Cette scène est d'abord interprétée comme
un appel des oiseaux à la curée (comme dans
l'Apocalypse). Cet épisode est réinterprété
de façon plus idyllique par Giotto.
Saint François tente d'aller prêcher
aux sarrasins, avec un succès mitigé. Il multiplie
par ailleurs les miracles, devenant très célèbre.
Lors du quatrième concile de Latran, quelques réformes
allant dans le sens des ordres mendiants sont votées.
Mais des divergences subsistent. La création de nouveaux
ordres est interdite.
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Vers 1219, des dissensions apparaissent au
sein des franciscains entre rigoristes et laxistes. François
décide alors de déléguer la gestion administrative
pour écrire une seconde règle. Parue en 1221,
elle suscite des réserves de la part des frères
et de la Curie. Une nouvelle règle est rédigée
en 1223, avec l'aide d'un frère rigoriste, Léon.
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Le pape Honorius III ne l'approuve qu'après quelques
retouches d'un cardinal de la curie, Ugolino (suppression
des allusions à une pauvreté rigoureuse, au
soin des lépreux). François est tenté
d'abandonner l'obéissance à l'Eglise. Il ne
le fait pas mais se détache de son mouvement.
C'est vers cette période qu'a lieu la stigmatisation
de François, qu'il n'exhibe pas. Il se retire, souffre
de maladie, soigné par les médecins du pape
et surveillé par ce dernier. Il meurt en 1226 et est
canonisé deux ans plus tard par le pape Grégoire
IX (ex cardinal Ugolino). En 1230, il est inhumé dans
la basilique construite à Assise, pourtant contraire
à l'esprit franciscain.
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En conclusion
Beaucoup ont souligné la modernité de saint
François, qui offre un nouveau visage du christianisme,
plus riant (comme en témoigne le cantique de Frère
Soleil). Pourtant, il reprend nombre de principes classiques
(érémitisme, travail) et présente quelques
aspects réactionnaires (rejet des livres et de la science).
Mais contrairement à d'autres prêcheurs de la
pauvreté, il ne tombe pas dans l'hérésie,
ce qui constitue une originalité. Et il se révèle
réellement novateur par plusieurs aspects : il rejette
le monachisme pour s'impliquer dans la société.
Il rejette également le mépris du monde (très
lié au monachisme) et donne directement le Christ comme
exemple.
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Cantique de frère Soleil ou des créatures
Très, tous puissant et bon seigneur
à toi louange, gloire, honneur et toute bénédiction
à toi seul ils conviennent ô Toi Très
haut
et nul homme n'est digne de te nommer.
Loué sois-tu, Seigneur, avec toutes tes créatures
spécialement messire frère Soleil
par qui tu nous donnes le jour, la lumière
il est beau, rayonnant d'une grande splendeur
et de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole.
Loué sois-tu mon seigneur pour sur Lune et les
Etoiles
dans le ciel tu les as formées claires, précieuses
et belles.
Loué sois-tu mon Seigneur pour frère Vent,
et pour l'air et pour les nuages
pour l'azur calme et tous les temps
grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.
Loué sois-tu mon Seigneur pour sur Eau,
qui est très utile et très sage
précieuse et chaste.
Loué sois-tu mon Seigneur pour frère Feu,
par qui tu éclaires la nuit,
il est beau et joyeux,
indomptable et fort.
Loué sois-tu mon Seigneur pour notre sur, notre
mère la Terre,
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits
avec les fleurs diaprées et les herbes.
Loué sois-tu mon Seigneur pour ceux
qui pardonnent par amour pour toi,
qui supportent épreuves et maladies,
heureux s'ils conservent la paix
car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés.
Loué sois-tu mon Seigneur pour notre sur la Mort
corporelle,
à qui nul homme vivant ne peut échapper
malheur à ceux qui meurent en péché mortel
heureux ceux qu'elle surprendra faisant ta volonté
car la seconde mort ne pourra leur nuire.
Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité.
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