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Saint-Bernard, l'art cistercien



L'art cistercien

3 - Création

Le cadre choisi

La première parure des monastères cisterciens est leur environnement, qui incarne déjà l'idée de rigueur. Les emplacements choisis se trouvent dans la broussaille, les marais ou sur des collines. Cependant, rapidement, les terres, jugées inexploitables, que les cisterciens acquièrent deviennent productives après un travail acharné. Le premier travail des cisterciens est en effet de rendre leur terre habitable, plus claire : c'est le premier embellissement apporté au monastère. Les lieux sont ensuite renommés pour traduire cette évolution : Clairvaux, Vauclair, Beaulieu...
Ces succès et la croissance de l'ordre conduisent les monastères à s'agrandir. Pour cela, les cisterciens achètent (pour peu de chose) le départ des villageois et exploitants alentour, afin que soient respectées les règles d'isolement et de faire-valoir direct. Plus tard, les moines achètent des terres aux enchères. Ils se font alors remarquer par leur rapacité. Leur popularité décroît et l'afflux des dons commence à se tarir en 1160. Cependant, à cette époque, l'ordre est déjà solidement installé.

Valorisation du travail

Le travail manuel est considéré comme une participation à l'oeuvre de Dieu, une offrande. Ainsi naît l'idéologie d'un travail conquérant. Si Cîteaux est ancré dans le mépris du monde, la foi dans le progrès dû au labeur de l'homme transparaît dans l'évolution de l'ordre : les cisterciens font preuve d'optimisme malgré eux. Pour faire fructifier et embellir leurs terres, ils utilisent tous les progrès techniques possibles. Ils réussissent, par exemple, à mettre en place une méthode pour améliorer les races de bovins. Les monastères sont entourés de fabriques.

Moines et convers

Les travaux sont partagés entre les frères et les convers (qui font les plus pénibles et qui y consacrent plus de temps). La stricte séparation entre moines et convers, qui transparaît dans l'organisation du monastère, est justifiée aux yeux des moines par l'existence d'une hiérarchie céleste entre les anges. Jamais ils ne remettent en cause ce principe, même après leur formidable enrichissement, alors qu'ils refusent pourtant toute attitude seigneuriale. En conséquence, le recrutement des convers finit par se tarir, les paysans considérant de plus en plus les cisterciens comme des spoliateurs.

Spécificités cisterciennes : le cloître et l'église

L'organisation des bâtiments monastiques est très classique. Le cloître occupe une place centrale : c'est un espace de domestication parfaitement réussie, d'organisation du chaos, une projection du paradis sur terre. Le carré évoque les quatre évangiles, les quatre vertus cardinales, les quatre éléments... La fontaine où chacun vient se laver après le travail symbolise une sorte de baptême quotidien. Saint Bernard condamne vivement les riches sculptures qu'on trouve dans les cloîtres clunisiens. A ses yeux, c'est là un objet de divertissement et de dépenses inutiles. Les chapiteaux trop sculptés sont à "défricher" pour retrouver la forme pure. L'imaginaire doit être refoulé. Le cloître doit favoriser la lecture de la parole divine, plus importante que l'image.

 

“Que viennent faire dans vos cloîtres où les religieux s'adonnent aux saintes lectures, ces monstres grotesques, ces extraordinaires beautés difformes et ces belles difformités ? Que signifient ici des singes immondes, des lions féroces, de bizarres centaures qui ne sont hommes qu'à demi ? (...) Ici l'on voit tantôt plusieurs corps sous une tête, tantôt plusieurs têtes sur un seul corps. (...) Enfin, la diversité de ces formes apparaît si multiple qu'on déchiffre les marbres au lieu de lire dans les manuscrits, qu'on occupe le jour à contempler ces curiosités au lieu de méditer la loi de Dieu. Seigneur, si l'on ne rougit pas de ces absurdités, que l'on regrette au moins ce qu'elles ont coûté.”
Saint Bernard, Apologie à Guillaume

 

L'église, quant à elle, doit permettre d'accueillir tous les moines, mais elle est fermée au public. Elle n'ouvre que sur le dortoir et sur le cloître. Cette fermeture au public explique qu'il y ait peu d'ouvertures sur la façade (elle n'a pas à être belle et à remplir de fonction pédagogique) et qu'on ne trouve ni tribunes, ni crypte. L'allongement est privilégié par rapport à l'étagement vertical. Le choix du chevet plat marque lui aussi une volonté d'afficher la rigueur cistercienne : la rondeur des absidioles est enveloppée dans l'épaisseur des murs afin d'obtenir un mur droit à l'extérieur. La croisée du transept, lieu de transition entre la nef et le sanctuaire, est surélevée par une marche.
Les cisterciens ont recours aux techniques les plus modernes pour assurer la solidité des constructions et réduire leur coût. Mais l'utilisation de ces techniques (l'ogive, par exemple) ne vise pas à bâtir plus haut. L'ordre rejette tout décor qui flatte les sens et l'orgueil : pas d'or, de broderie, de sculpture ou de peinture. Les vitraux en couleur sont bannis. Les objets qui doivent être en métal (encensoir) sont en cuivre et non en or. La croix est en bois, de même que les clochers, qui doivent être petits.
Cette enveloppe rugueuse est embellie par l'âme qui l'habite. Si les ouvertures sont simples, elles doivent apporter une lumière abondante. Et surtout, la liturgie qui prend place dans l'église est festive. Elle bannit toute tristesse.

 


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