Historique
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Le Mont Saint Michel, originellement appelé
Mont Tombe accueille très tôt quelques anachorètes.
Ceux-ci élèvent deux chapelles dédiés
à saint
Etienne et à saint Symphorien. Le culte de saint
Michel est introduit au VIIIe siècle. |
La fondation par saint Aubert |
Aubert, évêque d'Avranches,
voit plusieurs fois en rêve l'archange
saint Michel lui demandant de lui construire une église
sur le Mont Tombe. Saint Michel, pour combattre l'incrédulité
de l'évêque, l'aurait touché du doigt, lui
laissant sur la tête une marque indélébile.
Les travaux se heurtent au commencement à deux rochers
énormes et apparemment inamovibles. Saint Michel se manifeste
une nouvelle fois auprès d'un habitant d'un village voisin
pour qu'il aille avec ses fils renverser les roches. C'est encore
un signe de saint Michel qui permet de délimiter la taille
de l'édifice, sa surface au sol étant épargnée
par la rosée du matin. Aubert s'inspire de l'église
du Monte Gargano, célèbre lieu de culte dédié
à saint Michel. Il reçoit d'ailleurs de ce premier
lieu de pèlerinage de saint Michel quelques reliques.
L'église est consacrée le 16 octobre 709. Douze
moines sont affectés au service de l'édifice.
Le culte prend rapidement son essor et le mont Tombe est rebaptisé
Mont Saint Michel. |
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La domination des ducs de Normandie
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En 867, Charles le Chauve cède le Cotentin aux
Bretons afin de lutter plus efficacement contre les Vikings.
Puis la Normandie est cédée à ces mêmes
Vikings et le Cotentin est rattaché à ce don
en 933. Les descendants de Rollon, le chef Viking, s'intéressent
au Mont et en chassent les moines soupçonnés
d'amitiés bretonnes pour les remplacer par des moines
bénédictins
de Fontenelle. L'abbé de Fontenelle Ménard devient
le premier abbé bénédictin du Mont en
966. La communauté est néanmoins sous l'emprise
laïque : les ducs de Normandie intervenant dans l'élection
de l'abbé.
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Guillaume de Volpiano, abbé clunisien
de Fécamp, place à la tête du Mont Saint
Michel un de ses disciples. Ses successeurs, eux aussi imposés
par l'extérieur, ont du mal à se faire accepter
des moines, qui finissent par élire librement leur
abbé. Ces luttes d'influence n'empêchent pas
le rayonnement du monastère, qui reçoit de nombreux
dons des ducs de Normandie pendant que se développe
le pèlerinage montais. La communauté prenant
de l'importance, un ensemble roman
est construit pour remplacer le premier monastère.
L'abbatiale est élevée de 1023 à 1085.
L'abbé du Mont sait s'attirer les faveurs de Guillaume
le Conquérant, qui, en retour, place des hommes du
Mont à la tête d'importantes abbayes anglaises.
Il impose ensuite l'abbé Roger à la tête
du Mont. Celui-ci doit démissionner devant l'hostilité
des moines.
En 1103, le mur nord de la nef
s'effondre, entraînant des dommages sur les salles situées
en-dessous. Un incendie oblige à la réfection
des charpentes en 1112. L'abbé Bernard le Vénérable,
nommé par le duc, rétablit la discipline dans
l'abbaye et dote l'abbatiale d'une tour centrale tout en reconstruisant
le mur nord de la nef. L'abbaye est prise à partie
dans une querelle de succession du duché et est incendiée
en 1138. Seule l'abbatiale est épargnée. Lorsqu'à
la mort de Bernard le Vénérable, les moines
tentent de choisir eux-mêmes leur abbé, les biens
sont saisis. Lors d'une récidive, l'abbé élu
est expulsé. Ils finissent donc par choisir avec l'accord
du duc Henri II Plantagenêt. C'est en 1154 qu'est élu
l'abbé le plus important du Mont, Robert de Torigni.
Le nombre de moines augmente, le scriptorium
prend tant d'importance que l'abbaye est surnommée
la cité des livres. De nombreuses constructions sont
entreprises : des tours sont ajoutées à la façade,
un complexe monastique est construit sur le flanc sud... Mais
la plupart de ces constructions se sont écroulées
à diverses époques. Le Mont souffre ensuite
de son attachement aux Plantagenêt lorsque la Normandie
est rattachée à la France par Philippe Auguste.
L'abbaye est de nouveau incendiée. Cependant, respectueux
de l'abbaye, le roi de France tente de réparer sa faute
en offrant les moyens de sa restauration.
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La domination des rois de France
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C'est l'abbé Raoul Desisles (abbé
de 1212 à 1228) qui entreprend la construction de la
Merveille, grâce aux fonds octroyés par le roi
de France. L'uvre est terminée en une quinzaine
d'années. Avec le passage de l'abbaye à la couronne
de France, la tutelle du pouvoir temporel disparaît :
les moines sont libres d'élire leur abbé, contrairement
à l'époque de domination des Ducs de Normandie.
C'est la tutelle de l'évêché d'Avranches
qui devient alors la plus gênante, entraînant de
nombreuses querelles entre les deux autorités. Quelques
litiges surgissent également au sein de l'abbaye, entre
un abbé trop sévère, Richard Turstin (1237-1264),
et ses moines, aboutissant à la rédaction d'une
sorte de constitution en 1258. |
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De même, les droits financiers de l'abbaye
sur ses paysans sont fixés dans un censier. La grande
prospérité de l'abbayé, en majeure partie
due au pèlerinage, lui permet de mieux résister
à la guerre de Cent ans, même si elle s'appauvrit
et perd un grand nombre de moines. Toutes les possessions anglaises
de l'abbaye sont confisquées en 1414. Pendant la guerre,
l'abbé délègue la défense du Mont
à Bertrand Du Guesclin, capitaine en 1357. A la fin du
XIVe siècle sont construits une bonne partie des logis
abbatiaux et de nombreux éléments défensifs.
L'abbé Pierre le roi (1386-1411), accroît encore
le prestige de l'abbaye et de sa bibliothèque. Il donne
à sa communauté un certain confort mais fut trop
souvent absent, préfigurant l'instauration de la commende.
L'abbé Jolivet, qui succède à Pierre le
roi, passe à l'Angleterre en 1420 sans entraîner
avec lui le Mont, qui reste Français. |
En 1421, le choeur
s'effondre, sans rapport avec une quelconque action militaire.
Plusieurs fois assiégé par les Anglais, le Mont
est vaillament défendu par les Malouins et le capitaine
Louis d'Estouteville, qui améliore les fortifications. |
A partir des années 1430, les Français
prennent le dessus. Les Anglais quittent Tombelaine (l'îlot
situé près du Mont) en 1450. Suite à son
intervention victorieuse au Mont, Louis d'Estouteville intervient
auprès du roi Charles VII pour que celui-ci impose son
frère Guillaume à la tête de l'abbaye. Guillaume
d'Estouteville, archevêque de Rouen,
abbé de Saint
Ouen et évêque d'Ostie ne fait au Mont qu'une
seule et unique visite en 1452. Il inaugure l'instauration du
régime de la commende. |
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Le prestige n'est pas immédiatement affecté
du fait de l'audience de Guillaume d'Estouteville à Rome
: les indulgences offertes pour le pélerinage attirent
un grand nombre de pélerins, dont certains sont très
prestigieux, comme le roi Louis XI. Les fonds accompagnant cette
vague de pélerinage permettent la reconstruction du choeur
de l'église. C'est à cette époque qu'est
renforcée la crypte
des gros piliers pour servir de soubassement au choeur gothique.
L'ampleur des dépenses est telle que l'oeuvre reste inachevée
pendant toute la deuxième moitié du XVe siècle.
Peu à peu, le poste de capitaine du Mont prend de l'importance
au point de peser sur le choix des abbés. Des prisons
sont alors installées dans les bâtiments romans
de l'abbaye, sous le contrôle du capitaine. A partir de
1500, le chantier du choeur et de certains bâtiments monastiques
reprend. On estime que les travaux sont terminés pour
la venue du roi François Ier au Mont en 1518. |
Régime de la commende
et période mauriste
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Classiquement, le régime de la commende
entraîne un relâchement de l'observance des règles
monastiques. Certains abbés ne viennent jamais au Mont.
Les bâtiments ne sont plus entretenus. A la fin du XVIe
siècle, les moines vivent avec femmes et enfants. Le
Mont Saint Michel échappe de peu aux ravages des Guerres
de religion. Le prestige de l'abbaye s'affaiblit encore suite
à l'accroissement de ses charges fiscales. L'arrivée
des mauristes
au Mont permettent d'enrayer le déclin. La discipline
est rétablie et le pélerinage reprend. Le sursaut
n'est que provisoire. Il ne reste qu'une dizaine de moines à
la fin du XVIIIe. |
En revanche, la prison du Mont se développe, au
point d'être surnommée Bastille des mers. En 1776,
un orage détruit les trois travées occidentales
de la nef et la façade. Cette dernière est reconstruite
dans le style classique. |
Les derniers moines sont chassés par la Révolution
et seule la prison subsiste (ce qui permet la conservation des
bâtiments). Le Mont Saint Michel est successivement rebaptisé
Mont Michel et Mont Libre. Au XIXe, quelques prisonniers célèbres
viennent peupler l'abbaye, notamment Barbès et Blanqui.
Victor Hugo plaide pour l'obtention du statut de monument historique
pour le Mont. |
Sous le second Empire commence une restauration
architecturale et spirituelle du Mont. Le pèlerinage
reprend, l'entretien des bâtiments est confié aux
Monuments Historiques. |
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L'architecte Victor Petitgrand dote le Mont
d'une flèche néo-gothique. D'autres architectes
se succèdent pour restaurer l'abbaye, et ce, jusqu'à
nos jours. Le site est classé au patrimoine mondial de
l'Unesco en 1979. Des moines sont revenus dans l'abbaye à
partir de 1965, malgré l'afflux des touristes. |
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